vendredi 6 décembre 2019

Lola

  Elle est sous son réverbère.

Elle frissonne dans ses cuissardes et sa mini-jupe, c’est la fin de l'été, le temps est encore agréable.
Bientôt l’hiver arrivera.

La nuit se meurt.

Alors que la ville s’éveille elle termine son job. Elle se voit déjà rentrer chez elle où l’attend son petit bout de vie encore endormi.
Elle rentrera dans sa chambre s’assurant du sommeil du petit enfant, retournera dans la cuisine préparer le bol, les céréales et le sucre. Puis ira s’asseoir sur le lit de sa fille, la regarder avant que le réveil efface l’innocence des rêves.
Le soleil glissera un de ses rayons sur le visage de poupée, éclairant d’ombre et de lumière ce portrait d’enfant qui doucement s’étirera.

Lola aurait aimé avoir un compagnon, lui préparer aussi son repas matinal afin qu’il parte rassasié à son travail. Elle lui donnerait son corps cet oasis fait de monts et vallées rutilantes ou il viendrait se repaître, oublier les tracas de la vie quotidienne.

Au lieu de cela, Lola est un désastre écologique à elle seule, ce corps, cette nature elle l’a transformée en usine, fabrique à plaisir où viennent se jeter des corps gras et puants. Elle recycle, purge et nettoie les cerveaux des types lubriques.

Elle assume, Lola, elle fait travailler son seul capital, enfin ce qu’elle pense être son seul atout.
A sa fille qui lui demande : « c’est quoi ton métier maman? » elle répond : « c’est donner du plaisir ». Le bonheur elle le réserve pour son enfant. « Bon pas rêver ! Il est l’heure d’emmener la puce à l’école» se dit-elle.
- Pourquoi je dois aller à l’école ? Maman. Je voudrais rester avec toi.
- Pour comprendre le monde mon cœur et avoir les armes pour te défendre!

mercredi 21 août 2019

Pour quelques quintaux de plus

  Un soir m'en revenant de l'étang. Je regarde les rayons du soleil jouer avec les feuilles des arbres. Je m’assieds dans l'herbe et écoute les oiseaux raconter leur folle journée faite de virevoltes et de piqués. Ces oiseaux rentrent dans leurs nids sur la haie. Les fleurs ondulent au rythme de la brise légère.
Je me dis que c'est peut-être cela le bonheur.

Pour quelques quintaux de plus on coupe les arbres, arrache les haies. Les oiseaux ne reviendront plus ici, ils iront gazouiller ailleurs. Pour quelques quintaux de plus ils peuvent bien aller voir plus loin. L'écureuil ne comprend pas pourquoi on lui a abattu sa maison c'est devenu un expulsé. Hier encore il sautait de branche en branche pour trouver les noix qui le nourriraient cet hiver. J’aimais cette lumière du soir avec un soleil rouge sang, embrasant le ciel. Ces ombres qui grandissaient et t’enveloppaient dans une pénombre annonçant le noir inquiétant de la nuit. Le soleil ne joue plus avec les arbres, même l'ombre a disparu.

Il n'y a pas si longtemps on disait "la nature est plus forte, elle reprend ses droits". L'homme peut s'enorgueillir d'avoir dompté cette nature. Il est plus fort qu'elle. Plus fort tant que cette nature est capable de le nourrir.
Vision à court terme.
Maintenant le vent balaie la plaine, soulevant la poussière, annonçant des tempêtes.
Ici c'est la déforestation, Là c'est la "débocagénisation".

Ici pour quelques quintaux de plus on surproduit.
Ailleurs, au loin, dans un autre monde, un enfant crie sa faim.

Dans 50 ans  on demandera aux enfants qu'elle est la couleur dominante de la région. Peu répondront le vert. Enfin! si ce n’était qu'une question de couleur. Cinquante ans à l'échelle de la création de cette terre c'est peu, c'est même pas une seconde.

Je regrette d'avoir vécu cette seconde.

Ces quelques quintaux de plus, je les aurais bien achetés pour garder les arbres et les haies. Pour un bonheur de plus ce n'aurait pas été cher payé. Je pensais que c'était le monde paysan qui m'avait donné cet amour de la terre. Maintenant je sais que non, c'est d'ailleurs pourquoi je suis parti.

J'aimais trop la nature.

J'aimais la nature, mais je m’aperçus bien vite que je ne pourrais pas en vivre. Je ne voulais pas devenir celui qui façonne la nature à ses besoins. Déracinant les arbres, nivelant les haies afin de faciliter le passage des machines. Arrosant de poisons cette terre pour produire plus, gagner plus, araser plus. Je n'aurais pas été en accord avec moi-même. Mettre un masque pour préparer les pesticides, les fongicides, les herbicides tous ces mots en «icides» qui veulent dire tuer. On en est arrivé à polluer les rivières à saturer les terres, à imbiber les nappes phréatiques. Tout cela pour produire plus, pour qui?

Pas pour le tiers monde qui crève toujours de faim.

Je suis un révolté de cette bêtise humaine qui ne voit pas plus loin que le bout de sa vie. Elle ne voit même pas la vie qu'elle réserve à ses enfants.  Elle vit au jour le jour, l'ambition est de gagner de l'argent, sans penser aux conséquences.
Je sais que leurs petits enfants pourront aller dans un musée voir ce qu'était une marre à l'ombre de grands chênes avec des grenouilles sur des feuilles de nénuphar. Ce vol d'une libellule se posant sur une grande herbe. Je me souviens encore de ruisseau ou enfant on allait jouer, faisant des barrages, inventant des bateaux avec un seul bout de bois. Déjà à cette époque on ne parlait plus d'écrevisses dans ces ruisseaux, ils avaient disparus. Puis on a remembré, drainé, enfoui ces ruisseaux, enterrant à jamais mes souvenirs, mes jeux.
Pourquoi suis-je aussi impliqué par ces ravages. Beaucoup s'en fichent, se justifient. Ils peuvent toujours justifier, je ne les entendrais pas.
Je suis fait comme ça.

Déjà à cette époque j'écrivais des pages sur la pollution. Ce n'était alors  juste que quelques accidents. Je savais que les Hommes vivraient un jour avec des masques. Je pensais alors voir le pire pour croire que ça allait changer.

La réalité dépasse toujours la fiction.

lundi 19 août 2019

Rock'n'Road

  La voiture roulait sur le  la voie rapide d’Angers.
A l’intérieur nous étions serrés, six ou sept, il n’y avait que moi qui avais une voiture.
Le lecteur de cassette distillait la voix envoutante de Stevie Nicks de Fleetwod Mac chantant «Storms ».
Filant au cœur de la nuit nous étions en communion, personne ne disait mot, voulant saisir cet instant de magie pour le stocker à jamais dans sa mémoire. Stevie pleure son amour disparu, mais peu importe les paroles, reste cette voix qui nous prend tous et nous emporte. Le moment est magique, on souhaiterait qu’il continue, quitte à refaire le tour de la ville.

La musique a ce pouvoir de marquer les instants de la vie et à jamais, enfin pour moi, à l’écoute, se rappeler exactement un instant. C’est un film qui se déroule pendant que la chanson s’écoule.
Bien sûr pour moi ce sont surtout les groupes américains et anglais des années 60/70.

Cette fille que j’ai prise en stop pour faire une cinquantaine de km. Après les présentations d’usage, voyant la discussion tourner court, j’ai mis une cassette de Crosby, Still, Nash & Young. La lune brillait sur la route, nous descendions des lacets; l’astre, à travers les arbres, jouait sur nous des ombres chinoises. La nuit était calme nous enveloppant de son manteau à notre passage. Nous étions silencieux et les voix en cœur du groupe collaient exactement à l’instant, nous transportant dans nos rêves.

A l’arrivée la fille m’a juste dit « merci pour cet instant magique ».Je n’ai jamais revu cette personne mais à chaque fois que je mets CSNY je m’en souviens. Peut être que cette fille ressent la même chose après des années.

Nous roulions sur la route des vacances, la cassette nous inondait d'envolées de guitare d'Uriah Heep. La Simca 1100 blanche filait sa route. Derrière trois copains, copines silencieux; à mes côtés, toi. Nous étions en symbiose tous les cinq. La musique, le soleil, la route ; au loin la mer et l’horizon de liberté. Tout était possible en cet instant.

La musique m’a toujours habité, et plus encore dans les moments difficiles.

mercredi 13 février 2019

Drone

Le soleil tape sur le désert de cailloux. L’ombre est rare,
il faudrait se glisser derrière un rocher pour la trouver.
La petite fille habituée, joue avec une poupée,
la faisant danser pour soulever ses habits au vent.

La climatisation ronronne gentiment dans le bureau, il fait bon devant l’écran.
Le ventilateur fait danser les bouts de tissu accrochés.
L’homme se prélasse en jouant à un jeu de cartes
tout en jetant un œil à l’autre console.

La petite fille voit le berger sortir ses moutons,
il porte un fusil en bandoulière au cas où quelques perdrix passeraient par là.
Elle le regarde se préparer aller quérir quelques herbes pour ses bêtes.

L’homme se concentre sur son jeu.
Une activité semble apparaître sur l'autre écran vert;
dans le flou de la vidéo il croit distinguer un homme armé.
Il essaie de bien comprendre ce qu’il voit car les ordres sont stricts: si une activité semble suspecte il faut intervenir.

La petite fille met sa main en pare soleil de façon à bien scruter le ciel où un vrombissement ne cesse d’emplir la vallée depuis ce matin.

L’homme a contacté le commandement : « En cas de doute on tire! ».
Abandonnant sa partie de cartes, il prend la souris et clique sur l'icône « Fire ».

La petite fille court vers son père, elle a vu quelque chose dans le ciel et veut l’avertir.
Encore dix mètres mais une boule de feu embrase le berger et son troupeau.
Elle s’arrête.
Deux secondes plus tard, la boule la prend et la couche au sol, la poupée s’enflamme.

L’homme se lève et s’étire. Il a faim.
Sa journée est terminée.

Le nuage de fumée se dissipe lentement dans la vallée.
Le grondement de la mort s’enfuit se répercutant sur les montagnes.
Tout n’est plus que désolation, seules les pierres ont résisté.

La vie a disparu.

Ce matin, l'info!

  Ce matin, comme souvent, je prends mon petit déjeuner en écoutant les infos pour savoir comment tourne le monde. Il ne tourne pas rond. T...