Le soleil tape sur le désert de cailloux. L’ombre est rare,
il faudrait se glisser derrière un rocher pour la trouver.
La petite fille habituée, joue avec une poupée,
la faisant danser pour soulever ses habits au vent.
La climatisation ronronne gentiment dans le bureau, il fait bon devant l’écran.
Le ventilateur fait danser les bouts de tissu accrochés.
L’homme se prélasse en jouant à un jeu de cartes
tout en jetant un œil à l’autre console.
La petite fille voit le berger sortir ses moutons,
il porte un fusil en bandoulière au cas où quelques perdrix passeraient par là.
Elle le regarde se préparer aller quérir quelques herbes pour ses bêtes.
L’homme se concentre sur son jeu.
Une activité semble apparaître sur l'autre écran vert;
dans le flou de la vidéo il croit distinguer un homme armé.
Il essaie de bien comprendre ce qu’il voit car les ordres sont stricts: si une activité semble suspecte il faut intervenir.
La petite fille met sa main en pare soleil de façon à bien scruter le ciel où un vrombissement ne cesse d’emplir la vallée depuis ce matin.
L’homme a contacté le commandement : « En cas de doute on tire! ».
Abandonnant sa partie de cartes, il prend la souris et clique sur l'icône « Fire ».
La petite fille court vers son père, elle a vu quelque chose dans le ciel et veut l’avertir.
Encore dix mètres mais une boule de feu embrase le berger et son troupeau.
Elle s’arrête.
Deux secondes plus tard, la boule la prend et la couche au sol, la poupée s’enflamme.
L’homme se lève et s’étire. Il a faim.
Sa journée est terminée.
Le nuage de fumée se dissipe lentement dans la vallée.
Le grondement de la mort s’enfuit se répercutant sur les montagnes.
Tout n’est plus que désolation, seules les pierres ont résisté.
La vie a disparu.
lundi 24 mars 2025
Drone
jeudi 20 mars 2025
Nostalgie
Il se lève ce matin, la tête bourdonnant des climatiseurs et épurateurs d'air qui ronronnent sans arrêt, le retenant à cette vie précaire. Par la vitre sale, il voit la boule de feu déjà en action asséchant encore le peu qui puisse rester de viable. Son souvenir des nuages se dissipe de jour en jour. Il sait que bientôt il ne pourra plus se rappeler ne serait-ce leur forme dans le ciel. Ni la goutte d'eau qui vient s'écraser sur votre front donnant une impression de fraîcheur. Les dernières pluies ici étaient acides, il fallait justement éviter de les recevoir. Comment en est-on arrivé là ? Cette question lancinante lui trotte dans la tête. Question sans aucune importance maintenant.
La couleur
verte a disparu du paysage laissant le brun et le noir s'installer; est-ce une
simple question de couleur? Forcément non mais peut-on lui enlever jusqu'à
cette notion?
L’Homme cela lui a pris comme ça, comme dans un rêve démentiel. Un
cauchemar.
D'abord il a voulu mettre son image partout, se mettre en publicité, en
actualité. Il abat les arbres, déforeste, pour en faire du papier, des
affiches. Il a commencé à cacher le paysage, comme s'il voulait ne pas voir ce
qu'il détruisait.
Puis il a construit des maisons de plus en plus grandes. Bien sûr il plantait
un arbre de temps en temps pour en garder le souvenir. Les Immeubles
grandissant ont commencé à couvrir les arbres de leur ombre, ces derniers sont
morts desséchés. Le béton a remplacé le parc naturel couvert d’herbes folles.
Il a voulu se déplacer, il invente donc des machines, il faut les nourrir ces machines. Heureusement la terre nourricière est là avec ses réserves de pétrole. On pille et même si quelques cargos chavirent, laissant de larges larmes noires sur la face de la mer, on se dit que le jeu en vaut la chandelle. La flamme il faut pouvoir la laisser allumée, comme l'homme de Cro-Magnon voulait la préserver. Les usines et les véhicules crachent leur venin invisible trouant notre toit protecteur. Empoisonnant notre air.
Il y a bien des alertes, Seveso, Bhopal, Tchernobyl etc. Mais on se dit que se sont des erreurs qui ne se reproduiront plus. Après un instant de stupeur, la frénésie reprend ; surtout que les profiteurs n’habitent pas auprès de ces bombes en puissance.
L'Homme est donc pris d'une frénésie, non seulement il ne veut pas s'arrêter mais il court, il casse, il tue. Bientôt les forêts disparaissent laissant place à des langues de terre desséchées que même les fleuves ne peuvent abreuver. Des mers s'évanouissent découvrant des carcasses de cargos, des neiges d'antan s'évaporent vieilles de milliers d'années.
L'Homme il lui a fallu 50 ans pour assécher sa terre nourricière. On respirait encore à l'époque mais la dioxine et les gaz que génèrent les déchets remplacent notre gaz vital. L'Homme n'est pas à cours d'idée il crée des masques pour pouvoir continuer sa destruction, Le masque lui permet aussi de se cacher. Au début on s'interroge on voit des cyclistes masqués puis on s'habitue. On entend parler de pluies acides, mais pour l’instant ce n'est pas encore très inquiétant ce ne sont que de petites pluies.
Il ne fallait pas accepter, dès le début, car il suffit aux pollueurs de gravir les paliers plus ou moins sensibles de la résignation. On parle du futur mais les puissants ne vivent qu’au présent, ils prennent et ne se projettent pas dans l’avenir, le futur même de leurs enfants.
L'eau est
devenue rare, ce sont les pays pauvres qui ont commencé à mourir. Dans les pays
riches on a pompé tout ce que l'on pouvait pomper. Les mers, les glaciers, les
nappes souterraines tout y est passé reculant de quelques années le cauchemar
que d'autres vivaient.
Des îlots, des oasis se sont créées entourées de murs et barbelés gardés par
des armées. Des millions de gens y ont péris autour ; faute d'eau ils y
ont versé leur sang. Maintenant ce sont les dirigeants, les vrais pollueurs qui
y vivent, pour combien de temps encore.
Ou est passé cette cascade sur la rivière. Elle déployait son rideau de brume
aqueuse que venait illuminer le spectre coloré du soleil. Le promeneur, armé de
patience, aurait pu y voir un écureuil s'y rafraîchir ou ce raton laveur sécher
ses poils brillants à la chaleur des rayons. Tous les sens y étaient mis en
éveil.
L'ouïe d'abord avec cette mélodie de l'eau sur les rochers, rehaussée de chants
d'oiseaux et ponctuée de bourdonnements d'abeille.
L'odorat ensuite par le bouquet de l'herbe humide agrémenté des parfums de
fleurs des prés.
Le goût après en se rafraîchissant de cette onde; croquant une fraise sauvage.
Le toucher en laissant filer entre ses doigts cette force insaisissable.
La vue bien évidemment, imaginant qu’il y a plusieurs milliers d'années de cela
quelqu'un assistait au même spectacle.
Où sont tous ces plaisirs à jamais disparus? Pendant plusieurs millénaires des hommes ont pu y goûter. En quelques décennies tout a disparu, l’eau, l’herbe, les fleurs, la musique plus rien de tout cela. Tout n'est plus que sable, poussière (tu retourneras poussière !).
A l‘échelle de l’âge de la terre, 50 ans n’est même pas une seconde. Je regrette d’avoir vécu cette seconde.
Pourquoi se ressasser cela sans arrêt? Cela ne sert à rien, si c'était à
refaire, l'Homme recommencerait. Ce serait le jet d'un sac plastique qui
naviguerait jusqu'à la mer. Car tout a commencé comme ça un geste simple sans
conséquence qui se multiplie à l'infini, l'égoïsme nous permettant de croire
que l'on a le droit d'agir ainsi. Ce sont ces politiques soutenant les
compagnies pétrolières qui en sont responsables. Ce sont eux qui rendront des
comptes au banc de la société, au grand tribunal des amoureux de la terre, ils
seront condamnés pour crime contre la nature; crime contre nature pourra-t-on
vraiment dire.
L'homme se ressasse tout cela en songeant qu'il n'a pu rien faire. Va falloir
qu'il mette sa combinaison, son masque, ses bottes pour aller chercher de quoi
se sustenter. Il va partir pour sa quête finale. Arpenter ces rues balayées par
un vent de sable. Il se couvre entièrement, la moindre surface de peau offerte
au soleil brûlerait instantanément. Il doit chercher quelques trous ou
récipients dans cette ville contenant un liquide poisseux lui permettant de
s'abreuver. Il est conscient que si ce n'est aujourd'hui qu'il périra, ce sera
certainement demain.
Demain il y a longtemps voulait dire espoir, depuis peu ce mot, Demain, pour
lui veut dire mort.
Dans une
année lumière de là, une vie apparaîtra sur une autre planète. Les nouveaux
êtres verront la terre comme une planète inhospitalière ne pouvant accueillir
la vie.
L'histoire se serait-elle déjà répétée ?
mardi 4 mars 2025
Là où il y a du rève
Naveed à 10 ans, endormi sur sa couche, il est dans
un autre monde, dans ses rêves. Sa mère le secoue : « Il est six heures !
Dépêche-toi tu vas être en retard! ». Il se frotte les yeux pour quitter cet
univers où il se sentait bien.
Naveed part au travail, il à une dure journée devant lui, dix heures de
travail, il émet un petit sourire, dix ans, dix heures. Il connait le chiffre
dix, il a été un peu à l’école, à peine deux ans mais ses parents sont pauvres
et n’ont pas de quoi nourrir leurs trois enfants. Il travaille à la tannerie,
avec plein de gosses comme lui, à journée entière il charrie les peaux, les
mettant sur sa tête. Ces peaux sont lourdes et son cou lui fait mal ; parfois
il plonge dans la piscine pour laver ce cuir encore plein de poil. Naveed
côtoie aussi les produits toxiques qui sont déversés dans la rivière.
Ici on emploi des gamins car on les paie dix fois moins cher, décidément ce
chiffre, une fixation.
Naveed ne se plaint pas, le soir il va voir son meilleur copain qui, lui, a la
chance d’aller à l’école. Ce dernier lui raconte les histoires qui sont dans
son livre.
Le vendredi, seul jour de repos. Naveed doit aller chercher de l’eau de plus en
plus loin à cause de la pollution. Le reste de la journée il peut jouer.
Le rêve de Naveed est d’avoir des chaussures de foot. Ironie du sort, ces
chaussures sont faites du cuir qu’il transporte toute la journée, pour
l’instant il joue pieds nus.
La vie suit son cours chaotique, comme la rivière qui charrie les poissons
morts.
Un jour, un homme vient les voir à leur lieu de travail, il leur dit qu’il faut
qu’ils aillent à l’école. Ça, Naveed en était conscient, mais là où une lueur
d’espoir apparait, c’est quand le type leur dit qu’il est là pour les aider. Ce
dernier s’est mis d’accord avec leur patron pour les laisser une heure par jour
aller à l’école.
Rejwan demande aux parents si Naveed pourrait seulement travailler le matin et
aller à l’école après. Les parents rechignent, le père est vieux et fatigué.
Après palabres et concessions la mère est d’accord.
Le rêve de Naveed commence à prendre forme, à l’école justement on lui montre
des chaussures de foot et on lui apprend qu’elles sont faites du cuir qu’il
travaille. Rejwan leur dit qu’il veut faire une équipe de foot. Naveed est
ravi.
Combien d’enfants travaillent dans le monde, dans les mines, les usines, les
tanneries. Certainement qu’en cherchant sur Google on peut trouver, je vous
laisse chercher car c’est mieux que de ne lire qu’un chiffre probable qui ne
veut rien dire si on ne le compare pas à d’autres. Mais la question qui tue est
combien de Rejwan tous ces enfants rencontrent-ils, ça je ne pense pas que
Google le sache. Je ne me hasarderais à en annoncer un chiffre, je pense que je
serais même trop optimiste.
Je suis allé en inde en voyage, un jour voyant un enfant tirer une charrette de
bon matin ; je me suis fait une réflexion : Quelle distance! des années
lumières nous séparent. J’ai jugé qu’il faut que certains matins, je repense à
ce garçon ne serait-ce que pour ne pas l’oublier.
Quand, petit, je me plaignais, ma mère disait qu’il y avait toujours plus
malheureux que nous. C’était une phrase facile, pas très optimiste, d’ailleurs
elle ne me consolait pas trop. Il vaut mieux tirer les gens vers le haut comme
le fait Rejwan plutôt que de leur dire regarde plus malheureux que toi.
Les hommes sont égaux nous dit l’évangile, les enfants ne le sont déjà pas dans
leurs rêves. Ils ne le seront jamais dans la réalité.
Routine !
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