La jeune maman pousse le landau d’une seule main.
De l’autre un appareil lui prend toute son attention, elle pianote. Il faut se pousser pour ne pas être percuté par l’ensemble filant bon train sur le trottoir.
Dans son véhicule, le bébé de ses yeux ronds essaie de capter un sourire de sa mère; peine perdue où, peut-être une coïncidence, une chance que la jeune femme sourie à son appareil, l’enfant le prendra pour lui.
On dit toujours que les paroles s’envolent et les écrits restent.
Combien de mots saisis sur ce petit appareil tombent aussitôt dans l’oubli, dans les bas-fonds d’un ordinateur. Un tas de zéros et de uns resteront à jamais dans les poubelles de ces machines, attendant une réactivation. Peine perdue le flot incessant balaiera ces mots ne voulant plus rien dire ; à peine envoyés ils sont recyclés, blanchis. Les vagues de ces écrits s’échouent sur les récifs de la futilité.
Un jour une machine dotée, non d’une intelligence artificielle, celle-là froide, mécanique et implacable. Non une machine dotée d’une sensibilité, une machine s’étant nourrie de mots sensés, d’images, d’échanges importants. Donc cette machine repérera un texte sublime d’un amoureux envoyé à sa belle, un poème qui éclaboussera de sa lumière les tuyaux sombres fait de câbles et de circuit, il illuminera cet univers froid.
La machine mettra en œuvre ses réseaux pour publier au grand jour ce texte.
Utopie d’un jour où l’on ne verra plus que des messages importants et enrichissants.
Bientôt la jeune femme n’aura plus besoin d’écrire et de regarder son appareil, la machine lisant dans ses pensées la libérera de ce travail.
Alors elle pourra donner de son regard à son enfant qui a besoin d’être connecté à elle, de se sentir aimer et important.
on peut toujours rêver, mais il serait malheureusement plus plausible que la machine déraille, pour notre plus grand malheur!
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