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mardi 21 juin 2022

Un pas devant l'autre

  En courant ce matin dans le bois de Vincennes, je pensais, oui je cours pour me vider la tête mais elle fonctionne toujours. Je suis admiratif devant les gens déclarant qu’ils ne pensent à rien, moi je ne peux pas. Le Créateur aurait dû mettre un interrupteur pour qu’on puisse se reposer, c’est vrai que les interrupteurs n’existaient pas à son époque. Donc je pensais au fait qu’en mettant un pied devant l’autre sans s’en rendre compte  j’ai du faire des milliers voire des millions de pas.

Tout commence le jour où, bébé, on vous tient par les bras pour faire votre premier pas. Une fois seul, c’est la grande aventure qui commence, vous découvrez le cocon familial en touchant, à vos dépends parfois, tous les objets.

Puis un jour on vous ouvre la porte sur le monde extérieur. Etant tenu par une main vous parcourez le monde à votre hauteur, croisant des monstres à quatre pattes qui, d’un coup de gueule peuvent engloutir votre tête ; croisant des pots d’échappements, des sacs qui vous attaquent ; vous découvrez un monde agressif.

Vous grandissez et l’horizon s’éloigne de plus en plus.

Un jour vos pas vous amènent à l’école, là où plein de bipèdes vous ressemblent. Ici on vous apprend à marcher dans le droit chemin, la société n’aime pas les individus qui vont dans une autre direction, qui prennent des chemins de traverse. Plus tard je m’apercevrais que le droit chemin n’est pas si droit. Il peut être tortueux, semé d’embûches ; à ce sujet juste une parenthèse : (si quelqu’un connait le semeur d’embûches qu’il me le dise j’aimerai lui dire deux mots, la vie serait plus facile sans lui). Fin de la parenthèse.

Vous suivez donc le chemin tracé mais là encore il n’est pas le même pour tout le monde. Certains seront guidés vers des voies secondaires voire des voies de garage. Les plus chanceux continueront leur petit bonhomme de chemin dans les études.

A mon époque on apprenait aussi à marcher au pas au son d’une marseillaise qui nous invitait avec son « Marchons, Marchons qu’un sang… » Je n’aimais pas marcher au pas, mon côté anarchiste peut être. Je ne voulais pas empêcher  d’autres personnes de marcher. Que ceux qui veulent la guerre la fassent et n’entrainent pas les autres.

Puis vous apprenez à marcher à deux, pour la plupart. Marcher à deux est plus difficile que marcher au pas ; il faut sans cesse ajuster son rythme à l’autre, ne pas prendre trop d’avance ou de retard pour se perdre ; Ne pas laisser l’autre à la traine.

Dans le monde de l’entreprise, on vous apprend à marcher aussi de l’avant mais ensemble dans une même direction. Certains, lassés, disent même « je ne marche pas ou plus! » et s’en vont marcher ailleurs.

Enfin le temps passant les pas se font plus lourds, le fardeau de la vie. Le fait est que l’on avance quand même et, si besoin est, on s’aide d’une canne.

A force de marcher on fait le tour de sa vie.

Bon faut que j’arrête de réfléchir et me concentre sur ma course sinon une pierre viendra me faire tomber (encore le semeur d’embûches !).  Revenant  à la réalité je m’aperçois que je suis perdu.

Il vaut mieux être perdu dans le bois que dans ses pensées ; il n’y a pas de GPS pour ces dernières.

vendredi 5 mars 2021

Une nuit en l'attendant

  La nuit enveloppe les bâtiments d’un voile soyeux. Elle aplanit les laideurs du jour, pensais-je! La nuit pénètre par la fenêtre et envahit lentement la chambre où je suis. Allongé sur un matelas à même le sol je la regarde progresser lentement sur le plafond. Avec elle le silence se fait tout doucement ponctué  seulement de quelques bips qu’égrènent les machines. Les bruits de la journée sont devenus plus rares, plus feutrés. La chambre plonge dans une torpeur. Le  noir est troué de lumières vertes et bleues qui jouent sur les murs des ombres féériques. Je saisi l’instant presque magique mais je ne suis pas seul dans cette chambre.

Sur un lit, un enfant est étendu sur le dos, il ne bouge pas, on n’entend pas son souffle, il est de marbre.

Je suis là, à l’hôpital, car le médecin m’a dit ce soir que mon fils ne passerait peut être pas la nuit, une dose de chimio trop forte et la petite usine chimique de son corps s’est mise à s’emballer; c’est comme une réaction nucléaire en chaine qu’on n’arriverait plus à contrôler. C’est l’image que je m’en fais car le toubib y est allé de ses grands mots savants mais j’aime traduire pour avoir une image contrôlable, elle.

Je l’attends ! C’est la nuit qu’elle arrive.

La porte s’entrouvre, je fais semblant de dormir pour ne pas déranger l’infirmière de nuit. Elle s’affaire deux ou trois minutes autour du lit puis ne l’entendant plus je risque un œil, je la vois de dos elle est agenouillée devant mon fils et elle prie. « Quelle force dans sa croyance me dis-je ! » dans ce lieu où des enfants souffrent où quelques-uns meurent aussi, comment peut-on croire encore à une quelconque force supérieure. Cette croyance je la respecte, je connais la personne c’est une seconde mère pour tous ces enfants qui dorment loin de leur foyer. C'est une sainte! J’aimais la voir le soir quand je laissais mon fils seul la nuit; je savais qu’elle s’en occuperait bien. Des larmes me viennent à la voir là. Je l’aurais embrassée pour l’instant d’amour qu’elle donne.
Elle sort!

Je reste pétrifié sur mon matelas.

Je l’attends ! Faut pas que je m’endorme

Dans quel monde suis-je en ce moment, un monde qui peut basculer d’un instant à l’autre, je guette le son de la machine qui va déchirer ce calme pour nous dire « c’est fini ! ». Ces robots faits de clignotants, de chiffres et de bruitages paraissent les seuls choses vivantes. Ces machines relient l’enfant à une vie artificielle et guettent elles aussi les réactions du corps pour nous alerter le cas échéant.
Cela fait des mois que cette chambre est notre seconde maison. Nous y passons une partie de notre temps, nous y mangeons, parlons, rions, pleurons, jouons… enfin nous y vivons. Des jours d’espoirs, de victoires, d’autres de défaites et de souffrances. Allez dans un hôpital d’enfant! Vous prendrez une leçon d’optimisme. Les enfants y sont souvent plus forts que nous adultes; ce sont eux qui nous soutiennent. J'y ai connu des héros de la vie  même si l’innocence de l’enfance leur manquera toujours quelque part.

Je la guette! Elle et sa faux.

C'est étrange de voir un enfant, si vivant, rester allongé sur le dos sans aucun signe qui peut nous laisser espérer. Un instant j’ai l’impression qu’il en a eu marre, qu’il se laisse partir, abrégeant ses souffrances. J’ai peur aussi qu’il veuille abréger les nôtres. Je voudrais lui dire, avant, combien j’ai aimé notre combat ensemble que, si j’ai désespéré parfois ce n’est pas à cause de lui, c’était une faiblesse de ma part. J’aimerais lui dire et lui dis que j’ai tant de choses à vivre avec lui avant qu’il s’en aille; qu’il ne peut pas partir comme cela, même s’il veut faire un bras d’honneur à la vie qu’on lui inflige. Que peut être le combat en vaut encore la peine. 
J’essaie de m’en persuader.  

Elle est là! Je la sens.

Parfois je crois sentir son souffle mais ce n’est que l'air du climatiseur. Mes paupières s’alourdissent, les minutes, les heures défilent à un rythme défiant la tortue de la fable. Une lueur me semble-t-il dans le ciel; La clarté chasse la nuit et ses ombres; enfin le matin va apparaitre, je me lève et m’approche de mon enfant il est toujours là avec nous.

Elle n’est pas venue !

Cette nuit nous aurons gagné, mais combien de nuits tiendrons-nous ?

Deux jours plus tard  alors que je veillais mon fils, j’ai repéré un petit battement de cil. Je lui ai parlé, j’ai décidé de mettre le CD de Balavoine qu'il adorait,  j'ai fredonné comme on  faisait ensemble et il a émis quelques sons, c'est ainsi qu'il s'est réveillé.

La vie, en suspend jusque là, recommençait.

vendredi 6 décembre 2019

Lola

  Elle est sous son réverbère.

Elle frissonne dans ses cuissardes et sa mini-jupe, c’est la fin de l'été, le temps est encore agréable.
Bientôt l’hiver arrivera.

La nuit se meurt.

Alors que la ville s’éveille elle termine son job. Elle se voit déjà rentrer chez elle où l’attend son petit bout de vie encore endormi.
Elle rentrera dans sa chambre s’assurant du sommeil du petit enfant, retournera dans la cuisine préparer le bol, les céréales et le sucre. Puis ira s’asseoir sur le lit de sa fille, la regarder avant que le réveil efface l’innocence des rêves.
Le soleil glissera un de ses rayons sur le visage de poupée, éclairant d’ombre et de lumière ce portrait d’enfant qui doucement s’étirera.

Lola aurait aimé avoir un compagnon, lui préparer aussi son repas matinal afin qu’il parte rassasié à son travail. Elle lui donnerait son corps cet oasis fait de monts et vallées rutilantes ou il viendrait se repaître, oublier les tracas de la vie quotidienne.

Au lieu de cela, Lola est un désastre écologique à elle seule, ce corps, cette nature elle l’a transformée en usine, fabrique à plaisir où viennent se jeter des corps gras et puants. Elle recycle, purge et nettoie les cerveaux des types lubriques.

Elle assume, Lola, elle fait travailler son seul capital, enfin ce qu’elle pense être son seul atout.
A sa fille qui lui demande : « c’est quoi ton métier maman? » elle répond : « c’est donner du plaisir ». Le bonheur elle le réserve pour son enfant. « Bon pas rêver ! Il est l’heure d’emmener la puce à l’école» se dit-elle.
- Pourquoi je dois aller à l’école ? Maman. Je voudrais rester avec toi.
- Pour comprendre le monde mon cœur et avoir les armes pour te défendre!

Ce matin, l'info!

  Ce matin, comme souvent, je prends mon petit déjeuner en écoutant les infos pour savoir comment tourne le monde. Il ne tourne pas rond. T...