Assis au comptoir, devant mon verre, j’écoute le blues sur l’écran. Le barman est fan, la sono est bonne.
La guitare pleure ses riffs, elle laisse éclater sa douleur. Le chanteur enchaine et suinte sa mélodie.
L’instant est triste mais poignant, magique. On laisse une mélancolie nous sortir des tripes. Une mélancolie optimiste dans le sens où elle va chercher au plus profond de nous même, jusqu’à devenir jouissance.
Le chanteur* enchaine sur un solo, grimaçant sur chaque accord prolongé, vivant sa musique, son instrument n’est que partie de son corps. On s’envole transporté par ses rythmes.
Je ne connais pas ce type qui chante au Royal Albert Hall, quelle maitrise. Il a 3 cuivres avec lui, deux batteurs, 3 choristes, un clavier, lui, sa guitare et sa voix. Tout cela est bien huilé. Youtube nous permet d’assister au concert. Les spectateurs, anglais, sont assis bien sagement dans leur fauteuil.
A coté de moi une fille, sacrément roulée, se trémousse en communion avec l’artiste, je me pense « quelle aura ces chanteurs ! Ils tiennent en haleine des milliers de gens en font rêver plus encore ! ».
Ma voisine m’ignore, elle est scotchée à l’écran. « Il faut que je me mette à la guitare y a pas moyen ! » Mais la communion est là et la jeune femme s’approche de moi en reculant pour venir se frotter doucement ; je soupire d’aisance essayant de capter ce moment que je sais furtif.
Les habitués sont silencieux, vivant l’instant. Un frisson passe dans la salle venant lier d’une même émotion toute l'assistance. Il n’y a que la musique, enfin l’art, pour arriver à cette communion.
Le type sur scène est en transe, sa veste de costume est trempée, sa rage toujours intacte, Après chaque solo il se rapproche du micro, arc-boutant ses épaules et donnant des coup de tête au rythme de la batterie; tel un type possédé.
Le blues chante et pleure la vie.
lundi 20 janvier 2020
Le Blues
mercredi 1 janvier 2020
Flânerie
Ce matin je prends le métro pour aller au travail.
Comme
tous les matins d’ailleurs. Je n’ose compter combien de fois je l’ai
fait, cela me donne le vertige d’y penser; d’ailleurs combien de fois
faudra-t-il le faire pour arriver à la retraite?
Je
préfère partir plus tôt pour être tranquille, sinon c’est la cohue on
est pressé dans les deux sens du terme ; des odeurs mélangées vous
soulèvent le cœur, l’estomac se rappelle à vous d’avoir avalé trop vite
votre déjeuner.
Le métro vous endort, vous y rentrez
en pleine forme, vous en sortez comme dans un rêve. Pour cette raison,
j’aime sortir deux ou trois stations avant mon terminus afin de
parcourir le restant du voyage à l’air libre, libre de mes mouvements,
libre de mes pensées. Je me rappelle d’une époque où j’allais à pied au
travail, deux kilomètres à parcourir et l’impression d’être reconnu sur
mon parcours par les commerçants et habitués. Là, le métro est la
promiscuité avec l’anonymat. Je regarde pourtant les usagers et en
reconnait quelques uns, parfois je vole un sourire à quelqu’un qui,
surpris, se réfugie dans son journal.
Il m’est arrivé
de penser descendre à une station au hasard et passer la journée à
flâner et visiter ce qu’il y a là-haut. Mais le travail m’appelle et il
faut bosser, mon éducation, notre éducation, dés l’école, est faite
pour cela. On ne peut penser une vie sans travail ; moi, ado, j’y
pensais.
A la question :
« Que veux-tu faire comme métier ? »
Poli, je répondais :
« Je ne sais encore ! » Mais pensais :
« Rien ! Pourquoi faudrait-il passer sa vie à travailler? »
Enfin
comme dirait ma mère « tu ne connais pas ta chance d’avoir du travail !
». Le monde à été conçu par des gens hautement placés qui nous
utilisent comme puissance et force de rentabilité. Ma chance à moi est
que j’ai réussi à trouver un emploi intéressant. Quand je regarde mes
compatriotes de voyage sous-terrain je ne vois pas, chez certains,
l’enthousiasme sur leur visage qu’ils devraient avoir pour entamer une
journée de leur vie.
Oui, je pense aller flâner de
temps en temps comme, en marche vers l’école, traversant la campagne, il
me prenait l’idée saugrenue et interdite de prendre un chemin de
traverse et glaner des instants bucoliques. Je me serais allongé dans
l'herbe, à regarder le ciel bleu sillonné par le vol saccadé des
hirondelles. J'aurais vu cette coccinelle gravir un long brin d'herbe et
se noyer dans une goutte de rosée restée là comme par miracle. Sentir
l'herbe fraiche en écoutant le ramage amoureux des oiseaux ; jusqu'à ce
qu'une vache, plus curieuse que les autres, vienne me sentir de son
museau mouillé et m'oblige à me lever. A l’époque, je ne l’ai jamais
fait, l’éducation encore, l’école buissonnière c’est pour les cancres !
Maintenant
mon errance se passe dans ma tète, il m’est arrivé de laisser passer
ma station d’arrivée. Ici dans la ville il n’aurait pas été question de
champ et d’herbe. Tant de chose, pourtant à faire, visiter musées et
rues, s’asseoir à une terrasse de café et pour le coup rire des gens
pressés. Se reposer dans un square où les enfants s’ébattent dans un bac
à sable ; un de ces enfants vous invitant à participer en vous tendant
sa petite pelle. Il y aurait aussi les oiseaux dans les arbres qui
discutent et me rappellent ma campagne, mais là, aucune vache ne
viendrait me sortir de mes pensées.
Le son strident du métro me rappelle à la réalité, je descends de la rame pour suivre le flot des moutons.
Ce n’est pas encore aujourd’hui que je transgresserai l’ordre établi des choses.
Alors! Nous polluerons ailleurs
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