Le soleil tape sur le désert de cailloux. L’ombre est rare,
il faudrait se glisser derrière un rocher pour la trouver.
La petite fille habituée, joue avec une poupée,
la faisant danser pour soulever ses habits au vent.
La climatisation ronronne gentiment dans le bureau, il fait bon devant l’écran.
Le ventilateur fait danser les bouts de tissu accrochés.
L’homme se prélasse en jouant à un jeu de cartes
tout en jetant un œil à l’autre console.
La petite fille voit le berger sortir ses moutons,
il porte un fusil en bandoulière au cas où quelques perdrix passeraient par là.
Elle le regarde se préparer aller quérir quelques herbes pour ses bêtes.
L’homme se concentre sur son jeu.
Une activité semble apparaître sur l'autre écran vert;
dans le flou de la vidéo il croit distinguer un homme armé.
Il essaie de bien comprendre ce qu’il voit car les ordres sont stricts: si une activité semble suspecte il faut intervenir.
La petite fille met sa main en pare soleil de façon à bien scruter le ciel où un vrombissement ne cesse d’emplir la vallée depuis ce matin.
L’homme a contacté le commandement : « En cas de doute on tire! ».
Abandonnant sa partie de cartes, il prend la souris et clique sur l'icône « Fire ».
La petite fille court vers son père, elle a vu quelque chose dans le ciel et veut l’avertir.
Encore dix mètres mais une boule de feu embrase le berger et son troupeau.
Elle s’arrête.
Deux secondes plus tard, la boule la prend et la couche au sol, la poupée s’enflamme.
L’homme se lève et s’étire. Il a faim.
Sa journée est terminée.
Le nuage de fumée se dissipe lentement dans la vallée.
Le grondement de la mort s’enfuit se répercutant sur les montagnes.
Tout n’est plus que désolation, seules les pierres ont résisté.
La vie a disparu.
mercredi 13 février 2019
Drone
jeudi 30 août 2018
Ainsi va la vie!
Le soleil tape sur le
Il fait chaud sous le soleil qui tape sur la tête malgré la casquette
épaisse. Marcel travaille aux champs, son père l’a mis à quatorze ans
comme commis dans une ferme. Il respire la santé après quatre ans de
travaux de force en plein air. Apprenant son métier au fil du temps. Il
aime les bêtes et travailler la terre.
Mais Marcel est
préoccupé, il veut marier la Denise et il lui faudra gagner plus
d’argent. Ce n’est pas son salaire de misère qui fera vivre le couple.
Alors il y a l’autre solution, l’usine. Tous ses copains y vont
d’ailleurs surtout à l’usine d’amiante où on paie plus qu’ailleurs. Les
avantages sont nombreux, toucher son salaire quoiqu’il arrive, avoir des
congés et payés en plus ce qu’il a du mal à comprendre; sa vie sera
réglée; plus besoin de regarder le ciel pour voir ce qu’il lui réserve.
Donc demain il prendra son vélo et descendra dans la vallée pour y rencontrer le nouveau contexte de sa vie professionnelle.
La
paie est bonne. Lui et sa femme peuvent faire des projets. Ils vont à
la banque pour contracter un emprunt qui leur permet d’acheter une
petite maison à l’orée du bourg. Doucement la vie prend ses marques,
lui, régulier dans ses horaires, part et revient du travail pendant que
Denise s’occupe de la maison et s’entraide avec ses amies. Le soir, en
montant la côte raide de la vallée, Marcel fait des projets dans sa
tête, il est heureux et rien ne peut gâcher son bonheur.
Il lui a bien fallu s’habituer à la chaleur de l’usine, surtout à cette
poussière suffocante au début, maintenant c’est devenu sa compagne de
travail, cette poussière il l’a ramène même chez lui et sa femme a du
mal à laver cette poudre grise. Mais ce n’est pas ces petits
inconvénients qui entament la joie de notre homme. Les jours passent
succédant aux mois et aux années. Un bébé est venu animer la maison.
La montée est de plus en plus difficile, Marcel s’essouffle plus
rapidement, le poids des ans sourit-il optimiste même si une toux
insistante vient troubler sa quiétude. Une rumeur commence à poindre
dans le village, deux hommes arrivant à la retraite sont morts malades
des poumons, ils travaillaient à l’usine de Marcel. Ce dernier se dit
qu’ils n’étaient pas si robustes que cela ; ils buvaient aussi pour
étancher toute cette poussière accumulée dans leur gorge. En haut de la
vallée, quand le vent vient de l’ouest, on sent parfois l’odeur que
disperse cette brise, « l’odeur du Roqueret dit-on! » lieu où est
implantée l’usine.
Les rumeurs circulent mais on ne dit
pas de mal d’une entreprise qui donne du travail à la majeure partie de
la région et permet au bourg de se développer. Marcel devient de plus
en plus sombre, le matin il a des quintes de toux en se levant. Sa femme
s’inquiète. Cette poussière semble avoir raison de l’optimiste de
l’homme; en fait de compagne elle devient petit à petit une ennemie à
son bonheur. Un jour il se décide d’aller voir son médecin. Ce dernier
lui rétorque que c’est un mauvais passage qu’avec un peu de sirop ça va
passer. Ce praticien voit passer de plus en plus de gens comme Marcel
mais il ne cherche pas à comprendre les raisons; se ralliant à l’opinion
publique comme quoi l’usine fait vivre le village. Dans ce monde
d’origine paysanne et chrétienne on ne critique pas ceux qui donnent du
travail aux populations.
De plus en plus de personnes meurent de
ce qu’on n’appelle pas encore le cancer de l’amiante. Dans le village il
était de coutume de dire « les gars de l’usine passent rarement la
première année de retraite ! » Comme si le mal à l’intérieur des corps
se révoltait pour un besoin d’amiante.
Si je raconte
cela aujourd’hui c’est que je suis tombé sur l’interview d’un type qui a
fait un documentaire sur l’amiante. Il est parti du journal intime de
son père retrouvé une dizaine d’année après la mort de l’auteur. Son
père ne bossait pas à l’usine, il était instit puis proviseur, son
amiantage (mot vulgaire !) il l’a eu dans l’école où il travaillait. En
échange d’aide financière on lui a demandé le silence sur le lieu.
Il
y a deux ou trois ans en prenant le train j’ai croisé des gens qui
parlaient du pays, je les ai accosté pour leur demander d’où ils étaient
; c’étaient des syndicalistes de Condé-sur-noireau ils venaient
régulièrement à Paris négocier des indemnités pour les amiantés. Le
grand public a commencé à en entendre parler dans les années 70. Des
chercheurs de l’université de Jussieu à Paris se plaignaient de
poussières qui venaient troubler leurs expériences chimiques. Il a fallu
attendre encore 20 ans pour que le scandale éclate vraiment et que l’on
s’aperçoive que les industriels et experts à leurs bottes savaient mais
ont continué à exploiter et nier la dangerosité de ce produit. Je n’ai
pas le courage de parler de ces criminels impunis.
Et
le Marcel dans tout ça ? Vous me direz ! Il a profité de sa retraite
étant pris assez tôt pour que l’on sauve un de ses poumons. Accroché à
sa bouteille d’oxygène, il regardait les paysans travaillant leurs
champs en se disant, avec un soupçon de regret, « ainsi va la vie ! ».
Alors! Nous polluerons ailleurs
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