Nous ne savons rien du devenir de la personne décédée, beaucoup de
gens en ont tué beaucoup d’autres pour imposer leur façon de voir la
mort.
Pour les proches, pour qui le début d’une autre vie commence, ce n’est pas une fin en soi.
Bien
sûr la vie ne va pas être bousculée mais cet événement va modifier son
contexte et du jour au lendemain il faut intégrer ce changement.
La
famille est une chaine avec pour maillons les personnes, quand le
maillon le plus vieux tombe la chaine reste solide. C'est plus grave
lorsque qu’un maillon du milieu tombe, la chaine devient plus fragile.
Nous apprenons beaucoup de nos parents.
Ces
dernières années j’ai appris beaucoup sur ma mère. Elle me racontait
des fragments de sa vie comme des puzzles à reconstituer. Je me suis
posé la question de savoir pourquoi ces épisodes arrivaient
parcimonieusement comme s’il y avait de la pudeur et que point trop
fallait en dévoiler à chaque fois. Je me suis aperçu malgré tout qu’elle
avait vécu de bons moments, ce dont je doutais, en espérant que ce ne
soit pas que de la nostalgie. Elle m'a permis de pouvoir raconter
certaines histoires.
Maman avait un dictionnaire de dictons implacables qui lui régulait sa vie.
J’en
citerai quelques-uns : Il y a plus malheureux que nous ; à un cheval
donné on ne regarde pas la dent, on fait ce qu’on peut pas ce qu’on
veut, c’est le bon dieu qui décide, c’est le destin, il faut mériter sa
vie enfin ce dernier, je ne sais si elle le disait mais elle me l’a
imposé. Je me battais quelques fois avec elle lorsqu’elle lançait ces
flèches empoisonnées en lui disant qu’elle pouvait jouer sur le curseur
de sa vie et essayer de voir les choses avec optimisme. C’était peine
perdue. On ne peut pas donner du bonheur à quelqu’un malgré lui ; juste
un peu de confort; c’est un regret que j’aurais.
Cette façon
d’être lui a été inculquée dès son enfance je pense, elle a su qu’elle
serait la remplaçante d'une sœur décédée. Il n’était pas question de psy
dans son monde. Ce caractère forgé comme un maréchal ferrant tord le
fer la poursuivra toute sa vie. En ce qui me concerne en tant qu'enfant
peut-être lui manquait-il un peu de fibre maternelle? mais elle a tout
fait pour que l’on soit bien.
Elle aura connu la majeure partie de l’évolution du vingtième siècle.
Elle
a quitté le monde paysan du 19eme siècle pour entrer en pleine
révolution industrielle. Elle a subi l’occupation allemande dont elle
disait ne pas en avoir souffert. Après c’étaient les bonnes années à la
ferme ou un monde grouillait avec une convivialité à jamais perdue. A
cette époque les parents étaient patron. Puis la mécanisation est
arrivée, les commis et hommes de journées sont partis à l’usine et la
banque est devenu le patron (impersonnel comme disait Steinbeck) Maman a
eu du mal à l’accepter elle s’est retrouvée enfermée seule dans sa
salle de traite, comme à l’usine, se rappelant la traite aux champs avec
les gens chantant et discutant sans arrêt. J'ai appris cette abnégation
à cette époque et l'ai vraiment vue basculer dedans.
On aurait
pu la croire réfractaire à l’évolution mais quand ses petits enfants ont
débarqués chez elle avec leur GameBoy elle a décidé d’en acheter une
afin de partager des choses avec eux. Puis elle a poussé son mari à
l’emmener aux cours d’informatique et c’était une fierté quand j’en
parlais à mon travail. Elle avait un côté artiste, tricotant des pulls
qui ont fait les beaux jours des écoles jusqu'à Paris.Sur l'ordinateur
elle confectionnait ses cartes de tables pour les fêtes.
Pour Maman la vie devait se mériter et même dans ses loisirs il y avait une abnégation qui me faisait froid dans le dos.
Je
ne voudrais pas la quitter sans me souvenir de son humour sans en avoir
l’air. De Nicole sa personne de compagnie elle disait : "elle me
raconte la vie à l’extérieur c’est mon Google à moi"
c'est sa dernière blague il y a tout juste quelques jours.
Voilà
cette génération a vécu beaucoup plus de choses que nous ne pourrons en
vivre et j'espérais encore la questionner sur cette époque car il ne
reste plus beaucoup de témoins.
Pour ceux qui croient, maman est partie retrouver son mari avec lequel je me souviens d'un couple heureux et complémentaire.
Dans tous les cas elle doit reposer quiète et en paix avec la vie.
samedi 17 février 2018
La mort n’est pas une fin en soi.
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