Naveed à 10 ans, endormi sur sa couche, il est dans
un autre monde, dans ses rêves. Sa mère le secoue : « Il est six heures !
Dépêche-toi tu vas être en retard! ». Il se frotte les yeux pour quitter cet
univers où il se sentait bien.
Naveed part au travail, il à une dure journée devant lui, dix heures de
travail, il émet un petit sourire, dix ans, dix heures. Il connait le chiffre
dix, il a été un peu à l’école, à peine deux ans mais ses parents sont pauvres
et n’ont pas de quoi nourrir leurs trois enfants. Il travaille à la tannerie,
avec plein de gosses comme lui, à journée entière il charrie les peaux, les
mettant sur sa tête. Ces peaux sont lourdes et son cou lui fait mal ; parfois
il plonge dans la piscine pour laver ce cuir encore plein de poil. Naveed
côtoie aussi les produits toxiques qui sont déversés dans la rivière.
Ici on emploi des gamins car on les paie dix fois moins cher, décidément ce
chiffre, une fixation.
Naveed ne se plaint pas, le soir il va voir son meilleur copain qui, lui, a la
chance d’aller à l’école. Ce dernier lui raconte les histoires qui sont dans
son livre.
Le vendredi, seul jour de repos. Naveed doit aller chercher de l’eau de plus en
plus loin à cause de la pollution. Le reste de la journée il peut jouer.
Le rêve de Naveed est d’avoir des chaussures de foot. Ironie du sort, ces
chaussures sont faites du cuir qu’il transporte toute la journée, pour
l’instant il joue pieds nus.
La vie suit son cours chaotique, comme la rivière qui charrie les poissons
morts.
Un jour, un homme vient les voir à leur lieu de travail, il leur dit qu’il faut
qu’ils aillent à l’école. Ça, Naveed en était conscient, mais là où une lueur
d’espoir apparait, c’est quand le type leur dit qu’il est là pour les aider. Ce
dernier s’est mis d’accord avec leur patron pour les laisser une heure par jour
aller à l’école.
Rejwan demande aux parents si Naveed pourrait seulement travailler le matin et
aller à l’école après. Les parents rechignent, le père est vieux et fatigué.
Après palabres et concessions la mère est d’accord.
Le rêve de Naveed commence à prendre forme, à l’école justement on lui montre
des chaussures de foot et on lui apprend qu’elles sont faites du cuir qu’il
travaille. Rejwan leur dit qu’il veut faire une équipe de foot. Naveed est
ravi.
Combien d’enfants travaillent dans le monde, dans les mines, les usines, les
tanneries. Certainement qu’en cherchant sur Google on peut trouver, je vous
laisse chercher car c’est mieux que de ne lire qu’un chiffre probable qui ne
veut rien dire si on ne le compare pas à d’autres. Mais la question qui tue est
combien de Rejwan tous ces enfants rencontrent-ils, ça je ne pense pas que
Google le sache. Je ne me hasarderais à en annoncer un chiffre, je pense que je
serais même trop optimiste.
Je suis allé en inde en voyage, un jour voyant un enfant tirer une charrette de
bon matin ; je me suis fait une réflexion : Quelle distance! des années
lumières nous séparent. J’ai jugé qu’il faut que certains matins, je repense à
ce garçon ne serait-ce que pour ne pas l’oublier.
Quand, petit, je me plaignais, ma mère disait qu’il y avait toujours plus
malheureux que nous. C’était une phrase facile, pas très optimiste, d’ailleurs
elle ne me consolait pas trop. Il vaut mieux tirer les gens vers le haut comme
le fait Rejwan plutôt que de leur dire regarde plus malheureux que toi.
Les hommes sont égaux nous dit l’évangile, les enfants ne le sont déjà pas dans
leurs rêves. Ils ne le seront jamais dans la réalité.
samedi 23 janvier 2021
Là où il y a du rève
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